Lettre ouverte aux fédéralistes européens

Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.

, par Rémy Volpi

Lettre ouverte aux fédéralistes européens

On peut à juste titre pousser des cris d’orfraie à propos de l’Ukraine, ou des cadavres syriens aux yeux crevés, ou encore de mille autres sujets de cet ordre. Ils sont légion.

Mais quelle est la mission des fédéralistes ?

Pour ma part, je m’afflige de ce que l’Europe, géant économique, soit un nain politique. À terme, la désindustrialisation aidant, notre continent est bien parti pour devenir un nain économique. L’impact culturel suivra la même pente, celle du déclin, voire du naufrage annoncé en 1918 par Oswald Spengler et remis à l’ordre du jour par David Engels.

S’extirper de cette funeste perspective, tel est l’objet du fédéralisme. Nous voulons instaurer un gouvernement européen supranational, seul en mesure de prendre à bras-le-corps les problèmes continentaux : politique extérieure - la question de Henry Kissinger, "l’Europe ? Quel numéro de téléphone ?" est à ce jour sans réponse probante - , défense, économie, monnaie, social, immigration, environnement, énergie etc. En bref, nous voulons un espace modèle de paix, de prospérité et d’éthique.

Non seulement nous le voulons, mais nous le devons au reste du monde. Capable du meilleur comme du pire, l’Europe s’est vautrée dans le pire : montée aux extrêmes du fait des nationalismes hystériques, barbarie rationalisée des guerres totales, totalitarismes délirants, génocides industrialisés, terreur nucléaire ont mis la planète à feu et à sang, faisant jusqu’au milieu du XXe siècle de ce petit cap de l’Asie le continent des ténèbres selon Mark Mazower. Tout le contraire de ce que les Lumières donnaient à espérer.

Au cours des six dernières décennies, la construction de l’Union européenne s’est faite de manière subreptice. En ne pouvant obtenir de la souveraineté qu’elle délègue une part de sa souveraineté, on a botté en touche en élargissant au lieu d’approfondir. Aussi, en dépit d’avancées bien réelles, a-t-on aujourd’hui une Europe-Frankenstein, monstre sans cap et au déficit démocratique patent.

L’opinion publique n’a jamais été favorable à la délégation de souveraineté. Là est la pierre d’achoppement de la république fédérale d’Europe. Pire encore, la crise que nous traversons est volontiers imputée à la construction européenne. Les sondages à cet égard sont accablants. Paradoxe suprême, quand nous préconisons l’avancée fédérale comme remède, d’aucuns tout à l’inverse en appellent au statu quo ante des États-nations.

Que faire ?

Il importe de convaincre l’opinion publique. Les mythes étant plus forts que la réalité, les arguments clefs pour faire pièce au pathos souverainiste ne peuvent que ressortir au registre du pathos. Un travail immense s’impose pour bâtir un argumentaire millimétré et évolutif et s’en servir sans modération comme arme de combat. Combat pour que l’opinion publique saisisse enfin que son souverainisme, court-termiste et cupide, a tout du piège à singe [1] : humiliant, grotesque, absurdement autodestructeur. L’échéance n’est pas celle des élections parlementaires. Elle est de dix ans. Cela dit, il est bien trop tard pour être pessimiste. Nous sommes de plain-pied dans la logique où il n’est nul besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer.

Ma motivation ? : que pour rien au monde mes petits-enfants soient sacrifiés au Moloch souverainiste !

Rémy Volpi, 30 janvier 2014

Notes

[1En Birmanie, pour attraper les singes, les autochtones ont mis au point un piège très simple. C’est un bocal transparent lié par une chaîne à un tronc d’arbre. Dans le bocal ils placent une friandise ayant le taille d’une orange et une consistance dure. Le singe voyant la friandise met la main dans le bocal pour l’attraper mais une main entourant la friandise ne passe plus. Donc le singe ne peut retirer la main du bocal qu’en lâchant la friandise. Comme il ne veut pas renoncer à ce qu’il considère comme à lui, il se fait prendre et tuer.

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