Hommage à David Sassoli Le président du Parlement européen nous a quittés le 11 janvier 2022

Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.

, par Chloé Fabre, Michel Caillouët

Hommage à David Sassoli

David Sassoli, parlementaire européen depuis 2009, et Président du Parlement européen depuis le 3 juillet 2019, nous a quittés le 11 janvier 2021, à 65 ans.

Il était entré en politique en 2009, après une brillante carrière de journaliste à la RAI, une grande chaîne de télévision italienne.

Unanimement apprécié, le meilleur éloge vient de ses amis :

« Pour le président du Parlement européen, pour le politique Sassoli, pour l’homme David dans sa dimension privée, la base de chaque action, de chaque comportement, de chaque choix étaient très forts et correspondaient à des valeurs humaines de référence : loyauté, cohérence, éducation, respect. En ce moment si triste pour tant et tant de citoyens italiens et européens, la force de ses enseignements et de ses indications reste intacte : ne jamais faire semblant, ne jamais alimenter la polémique, les spirales, les préjugés, les rumeurs, la mesquinerie. »

Il a assumé ses fonctions de Président du Parlement européen dans les conditions difficiles de l’épidémie Covid, et a accompagné avec brio la mise en place de la réponse européenne (vaccins, plan d’urgence européen…). Homme de générosité, et alors que l’ensemble des réunions du Parlement Européen ne pouvaient se faire en présentiel, il avait mis à disposition les locaux désertés des Parlements de Strasbourg, et Bruxelles, pour préparer des repas destinés aux personnes dans le besoin, et installé aussi des centres de dépistage.

Il était très engagé dans la mise en place de la conférence sur l’avenir de l’Europe, y voyant une opportunité pour faire émerger une Europe des citoyens. Suite notamment à un appel de l’Union des Fédéralistes Européens, le 27 juillet 2020, le Président Sassoli s’y était engagé avec détermination.

Au vu de son engagement et de ses actions, on peut le considérer comme un allié objectif des thèses et de l’idéal fédéralistes. Il était en effet membre de la section de Rome de l’UEF et membre, au sein du Parlement Européen, du groupe des fédéralistes dit « groupe Spinelli ».

A cet égard, les interviews qu’il avait réalisées dans la revue « le Grand continent » (9 mai 2021) et dans la revue d’actualité du Parlement européen (16 décembre 2021) sont révélatrices :

https://legrandcontinent.eu/fr/2021/05/09/nous-voulons-impliquer-les-citoyens-pour-faconner-le-futur-de-leurope-une-conversation-avec-david-sassoli/

https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/eu-affairs/20211209STO19128/sassoli-l-europe-a-besoin-d-un-nouveau-projet-d-espoir

Une vision claire de l’avenir européen exprimée dans "le Grand Continent"

Ces prises de position dans « le grand Continent » constituent en quelque sorte maintenant son héritage, pour un futur européen plus porteur :

  • nécessité de clarification des compétences européennes :

« à partir du moment où l’Union européenne a des compétences claires, elle est capable de répondre aux crises. En revanche, lorsque les compétences sont confuses, l’efficacité est réduite, et si l’on demande aux institutions européennes de prendre le relais des pouvoirs nationaux, les réponses tardent à arriver – ou, si elles arrivent, elles sont insuffisantes. Au fond, nous le savions déjà : lorsque l’Union européenne joue le rôle d’un substitut, elle ne permet pas de résoudre de façon définitive nos différents problèmes. Il suffit de voir l’échec répété de l’Union sur la question des migrations. Je crois que la crise du Covid a mis en évidence ces lacunes, qui ont eu de lourdes conséquences sur la vie des citoyens. Nous devons améliorer le fonctionnement de l’Union, si nous voulons qu’elle affronte les crises de façon efficace. »

  • nécessité d’une Europe qui s’affirme sur le plan international :

« Aujourd’hui, nous avons clairement compris que les phénomènes mondiaux ne se contentent pas de frapper aux portes, ils entrent directement, et ils peuvent faire (beaucoup) de mal. Et aucun pays européen, parmi les 27, ne peut répondre seul, aux crises que la mondialisation nous impose, même pas les pays qui se croient – à tort ou à raison – plus forts que les autres. De fait, je pense que nous pourrions envisager une sorte de prérequis qui se baserait sur les leçons tirées de la crise du Covid. Des leçons qui ne doivent pas être rangées dans un tiroir : bien au contraire, nous devons les chérir, car elles nous aident à améliorer la démocratie, en la rendant plus efficace, et en rétablissant le lien avec les citoyens afin qu’ils reprennent confiance en leurs institutions. »

  • nécessité du renforcement démocratique :

« C’est pourquoi beaucoup insistent sur la fragilité du système démocratique : il nous appartient donc, en tant qu’Européens, d’en faire un système plus solide, capable de répondre rapidement, et efficacement aux problèmes de nos concitoyens. D’autre part, quel citoyen pourrait s’amouracher d’un système qui n’apporte pas les solutions à ses problèmes ? »

  • assoir un rôle plus important pour le Parlement Européen :

« Pour la première fois, la crise nous a offert, dans toute sa dramaturgie, l’opportunité de dépasser certains paradigmes du passé. Pour améliorer le fonctionnement de l’Union, nous devrions non seulement modifier les traités, mais aussi les mettre en œuvre. En effet, de nombreuses parties de nos traités restent indéfinies. Le Parlement européen est un co-décideur : il a par exemple des fonctions plus importantes que le Congrès américain. En outre, il a la capacité de diffuser le pluralisme au sein de nos institutions, ce qui permet un dialogue important entre les citoyens, au sujet des réalités rencontrées sur les territoires. De fait, le Conseil de l’UE ou le Conseil européen pourraient proposer une réforme. Elle serait nécessaire pour comparer les différents organes institutionnels, car le pouvoir a toujours été déséquilibré : par exemple le Conseil européen (représentant les dirigeants des États membres) n’a aucun pouvoir législatif, contrairement au Conseil de l’UE. Pour un meilleur fonctionnement de l’Union, ces deux fonctions pourraient être mieux intégrées. Ainsi, cela consentirait à une plus grande responsabilité à la fonction gouvernementale. »

  • et enfin, nécessité de changements profonds du paradigme européen :

« Cela m’amène à évoquer la relation parfois difficile entre l’entité communautaire et l’entité gouvernementale. Je sais que les jeunes aspirent à ce que l’entité communautaire prévale (c’est également ma préférence). Je suis d’ailleurs convaincu que pour l’avenir, nous nous dirigeons droit dans cette direction. Mais aujourd’hui, nous devons aborder ce futur avec un peu plus de pragmatisme. En cette période, il est impossible d’envisager qu’une entité puisse prévaloir sur l’autre, car il nous faut avant tout rétablir l’équilibre. C’est un travail qui nous permettra d’affirmer la pertinence de l’Europe. Alors, quand nous serons prêts, je crois que l’entité communautaire prévaudra.

L’Europe est l’échelle pertinente pour relever les défis mondiaux, s’ils veulent que l’UE joue un rôle plus important en matière de santé publique pour lutter contre les pandémies, s’ils veulent que l’Europe soit un leader mondial dans la lutte contre le changement climatique. Selon leurs interrogations, nous devrons envisager de doter l’Union de moyens appropriés pour la rendre plus résiliente, plus efficace et plus légitime. Les enjeux sont importants, nous ne pouvons pas envisager de revenir au monde pré-Covid. »

Merci, Président David Sassoli, votre place restera dans le Panthéon européen, auprès de ceux qui ont su faire avancer l’idéal d’unité européenne !

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