Cameron pose-t-il les bonnes questions ? Éditorial du 10 février 2013

Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.

Cameron pose-t-il les bonnes questions ?

Le Gouvernement actuel du Royaume Uni a donc décidé de préparer une « renégociation » des relations de ce pays avec l’UE et de poser aux citoyens britanniques en 2017 la double question suivante : Voulez-vous que le Royaume Uni demeure membre de l’UE sur ces nouvelles bases - ou préférez-vous qu’il sorte de l’UE ?

Cette décision appelle plusieurs remarques :

  • la probabilité que la majorité et/ou les dirigeants actuels du Royaume Uni soient toujours au pouvoir en 2017 est incertaine ; il est au contraire fort probable que, si une autre majorité et/ou de nouveaux dirigeants prenaient le pouvoir d’ici là, ce projet de référendum serait modifié voire abandonné,
  • la participation du Royaume Uni à l’UE n’est certainement pas la cause principale ni même secondaire des graves difficultés économiques et sociales qui affectent la population britannique ; mais, pour le Gouvernement actuel, l’Europe représente peut-être à la fois un bouc émissaire et une diversion tout à fait bienvenus,
  • la décision de remettre globalement en cause un "acquis" de 40 ans de participation britannique à l’UE repose sur des bases artificielles : l’europhobie irraisonnée d’une partie importante de l’opinion publique (sans doute la moins instruite), créée et entretenue par la presse Murdoch - et le nationalisme ancestral et archaïque de la partie la plus conservatrice du parti Tory,
  • l’hypothèse d’une "renégociation" de la situation du Royaume Uni au sein de l’UE ne repose sur aucune base juridique ou politique. Il n’existe pas de "Traité" particulier entre chaque État membre et l’UE (qui pourrait être renégocié entre ces deux parties) - mais un seul "Traité sur l’union Européenne" qui ne peut être révisé que par l’ensemble des parties. Certaines dérogations peuvent être consenties, à l’un ou l’autre État membre, par l’UE (cad par l’ensemble de ses parties) à la condition qu’elles soient considérées comme acceptables économiquement et politiquement ; tel ne serait évidemment pas le cas d’un "paquet" de dérogations tel qu’envisagé par le Royaume Uni,
  • la conception d’une « Europe à la carte », implicite dans la proposition britannique, est totalement incompatible avec le système juridique et politique sur lequel est fondée l’Union depuis ses origines. Ce système comporte un corpus de règles uniques régissant des politiques communes - l’ensemble constituant un régime aussi juste et équilibré que possible, notamment sur le plan économique. L’UE est d’autre part fondée sur les deux principes d’unité et de solidarité entre ses États membres qui excluent la seule prise en compte de l’intérêt national immédiat comme référence unique.
  • dans l’hypothèse extrême où un referendum forcerait, en 2017, le Royaume-Uni à "sortir de l’UE", la meilleure solution (et de loin la plus simple) pour les deux parties pourrait être que ce pays (re)devienne membre de l’AELE et, par la même, de l’« Espace Économique Européen ». L’essentiel des liens commerciaux - mais aussi économiques, juridiques et politiques - entre le Royaume Uni et l’ensemble de ses partenaires européens serait ainsi largement préservé et précisément défini. Cette structure pourrait d’ailleurs à cette occasion être renforcée pour servir aussi d’antichambre à de nouveaux partenaires européens n’ayant pas vocation à devenir membres de l’UE dans un avenir prévisible.

Ceci dit, par sa brutalité même, la position du Gouvernement britannique met en relief au moins trois problèmes insuffisamment traités par les Institutions européennes :

  • le besoin de différenciation
  • l’excès d’intervention
  • l’absence de projet politique.

Le besoin de différenciation

Le nombre et la diversité - voire l’hétérogénéité - croissants des États membres de l’UE justifient que l’on s’interroge sur les moyens de permettre une plus grande différenciation dans l’application des politiques communes aux différents États. Au-delà des moyens existants (délais d’application, dérogations partielles et temporaires, coopérations renforcées, etc ...) il sera peut-être nécessaire d’inclure dans les Traités une nouvelle "clause de différenciation" permettant de recourir de façon plus générale et plus ordonnée à une meilleure adaptation des politiques aux spécificités objectives des différentes situations nationales voire régionales.

L’excès d’intervention

On peut également s’interroger sur le phénomène de la multiplication des règles (et notamment des "normes") européennes dans les domaines économiques, sociaux, environnementaux et donc dans la vie quotidienne des gens. Ces règles sont elles vraiment nécessaires ? Ne sont-elles pas trop détaillées et excessivement contraignantes ? Ne pourraient-elles pas être prises au niveau national, voire régional ? Le "principe de subsidiarité" n’est-il pas parfois victime d’une mécanique réglementaire incontrôlée et auto-entretenue que ni les Institutions ni les Gouvernements ne contrôlent vraiment ?

L’absence de projet politique

Enfin, l’initiative britannique pose la question du projet politique de l’Union. Si, au-delà de ses objectifs économiques immédiats (et notamment du marché unique), l’Union européenne devait perdre de vue sa vocation fondamentale de développement de l’unité et de la solidarité entre ses États membres ("Une union sans cesse plus étroite des peuples européens" disent les Traités), la conception d’une "Europe à la carte" serait parfaitement recevable. Et c’est sans doute parce que l’"Europe politique" peine actuellement à trouver ses marques que le projet du Royaume-Uni pourrait apparaître comme une alternative réaliste. À tel point que si aucune proposition officielle, formelle et précise de renforcement politique de l’UE ne devait voit le jour d’ici l’échéance de 2014, ce serait la question posée par le Gouvernement britannique qui dominerait le débat démocratique précédant les élections européennes. Ce serait vraiment la pire façon d’aborder, à nouveau, l’interrogation récurrente : « Quel avenir pour l’Union ? »

Jean-Guy GIRAUD

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