Un électorat mal informé sur l’Europe

Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.

, par Jean-Guy Giraud

Un électorat mal informé sur l'Europe

"Plus des trois quarts des Français se sentent mal informés sur l’Union européenne (77% contre 22% « bien informés ») et une proportion plus marquée encore juge que leurs concitoyens sont mal informés sur l’UE (87%, contre 11%). Le sentiment des Français d’être mal informés sur l’Union européenne est supérieur de 17 points de pourcentage à la moyenne des 28 Etats membres."

Tel est le constat navrant que la Commission elle-même dresse - une fois de plus - au sujet de l’information des français sur l’UE (voir dernier sondage euro-baromètre https://ec.europa.eu/france/news/20170309_enquete_eurobarometre_fr )

À la veille d’élections nationales lors desquelles la question européenne sera au centre des débats, ce constat de carence est déplorable.

Cette profonde ignorance des électeurs sur les objectifs et réalisations de l’UE explique en grande partie la facilité avec laquelle les thèses europhobes et eurosceptiques pénètrent l’opinion - ainsi que la difficulté des défenseurs du projet européen à convaincre un électorat euro-analphabète.

Indirectement, cette carence pourrait être, à elle seule, responsable d’une éventuelle victoire du Front National qui rend l’UE responsable de tous les maux dont souffriraient nos concitoyens.

Cette intolérable situation - qui n’a fait que s’aggraver au fil des ans - devrait être dénoncée avec vigueur et les responsabilités devraient être clairement établies.

La Commission semble - à travers les questions posées dans le sondage - rejeter la principale responsabilité sur la presse :

"Le sentiment des Français qu’on parle « trop peu » de l’Union européenne est majoritaire s’agissant de la télévision - qui est le principal média regardé par les Français - (43%, contre 37% qui estiment qu’on en parle « comme il faut » et 8% « trop »), mais aussi de la radio (37/34/4)."

Elle oublie de mentionner que, parmi les Institutions, c’est elle qui est chargée d’informer - en continu - les citoyens sur les objectifs et réalisations de l’Union. Elle dispose pour cela de moyens considérables tant en personnel qu’en dotation budgétaire . Plusieurs centaines de fonctionnaires - tant à Bruxelles que dans les 28 représentations réparties dans l’UE - y sont affectés. Ses services audio-visuels et internet sont dotés des outils les plus modernes de communication.

En conséquence, le constat de désinformation qu’elle relève - année après année - s’adresse d’abord à elle même.

Le Président Juncker avait, au début de son mandat, reconnu cette déficience et s’était engagé à y remédier par une refonte de la politique d’information de l’Institution et une ré-organisation des services. Il n’en a rien été et la situation s’est encore dégradée.

Nous avions abordé cette question de façon plus détaillée dans deux précédentes notes (voir ci-dessous). Nous devons aujourd’hui malheureusement constater que, à la veille d’élections centrées sur l’UE, les électeurs en ignorent toujours la nature et le bilan exacts.

Jean-Guy Giraud 11 - 03 - 2017


QUELLE COM’ POUR L’UE ?

http://www.politico.eu/article/europe-needs-a-new-newsroom-communications-eu-tarnished-image-euroskeptics-brussels-pr/

Dans l’article visé ci-dessus, Mr Gilles Merritt (Président de "Friends of Europe" et un des meilleurs observateurs de la scène européenne) présente une critique sévère de la politique de communication de la Commission - critique largement partagée par la profession journalistique européenne - et déplore ses effets négatifs sur l’opinion.

Le bilan présenté - et les termes utilisés - par Mr Merritt sont sans équivoque :

  • "Fears are growing that the European Union’s unpopularity will undermine its survival"
  • "Widespread public ignorance about the EU’s activities has had devastating results : Brexit and the rise of Euroskeptic populism"
  • "The truth is that Brussels has failed to explain these benefits to Europeans"
  • "Presenting European integration as a faith to which right-minded people should adhere has plainly failed"
  • "The current setup is unable to cope with today’s increasingly hostile political climate. Voters don’t like what they can’t understand"
  • " Assailed by Euroskeptic politicians and riven internally by disagreements between member governments, the EU’s tarnished image needs vigorous polishing, and the Commission is certainly not up to the job"
  • " The EU needs a thorough communications revolution if it wants to highlight its achievements and its worth."

On se souvient que le Président Juncker avait semblé avoir pris conscience de ce grave problème de communication lors de son arrivée à Bruxelles et décidé de réformer en profondeur ce secteur (voir note ci-dessous du 28/10/14).

Deux ans plus tard, il ne semble pas que cette intention ait été suivie d’effets perceptibles : le déficit d’information/communication/vulgarisation/explication/justification/mises au point/démentis/ etc ... de la part de la Commission demeure considérable même s’il faut garder à l’esprit que :

  • ce déficit ne concerne pas la mise à disposition de l’information à l’état brut : la Commission - comme les autres Institutions - pratique une incontestable et exemplaire politique de transparence en mettant à disposition du public une masse considérable de données,
  • peu de gouvernements prennent en charge la part du travail d’information européenne qui leur revient : certains d’entre eux mènent même plutôt , dans certaines circonstances, une politique de dés-information et/ou dissuadent la Commission d’intervenir dans le débat "national",
  • la presse spécialisée dispose en général - à Bruxelles - des informations nécessaires, mais la presse populaire est totalement déconnectée du "centre" européen.

Les solutions radicales préconisées par Mr Merritt - notamment la création d’une "News Room" en lieu et place des services actuels - ont au moins le mérite d’inciter à la remise en cause du système actuel - lequel, paradoxalement, aboutit parfois à desservir la cause qu’il devrait soutenir.

On se souvient des grands échecs de communication que furent , en 2003/2005, les débats sur l’élargissement puis sur le projet de Constitution européenne. On subit toujours les conséquences de la diabolisation des critères de Maastricht contre laquelle la "com’ européenne" s’est révélée impuissante (la "politique d’austérité" a triomphé de la "politique d’équilibre"). On vient à nouveau de constater, lors du débat sur le Brexit, l’impuissance de la Commission face à l’ignorance et aux préjugés entretenus par la presse britannique ; la gestion de la communication sur le CETA peut aussi être considérée comme une incapacité à communiquer et à convaincre ...

"Faire" et "Faire savoir"/ agir et communiquer sont devenus indissociables dans la société médiatisée des démocraties modernes. La plupart des État et mêmes des organisations internationales en sont bien conscients et en tirent toutes les conséquences. "Bruxelles" semble encore en douter et hésiter à sauter le pas ; pourtant, la seule lecture des excellents sondages Eurobaromètre devraient la convaincre qu’il n’y a plus de temps à perdre.

Jean-Guy Giraud 03 - 11 - 2016


JEAN-CLAUDE JUNCKER ET L’OPINION PUBLIQUE (28 - 10 - 2014)

Une décision importante, mais peu remarquée, de Jean Claude Juncker a été de remanier profondément l’organisation de la communication de la Commission et de la rattacher directement au Président lui-même - supprimant ainsi la fonction de "Commissaire à l’information" et regroupant, autour de la Présidence, la Direction générale de la communication et le Service du porte parole.

Cette décision souligne à la fois l’importance que Jean Claude Juncker attache à la fonction de communication et son souci de remédier aux carences passées dans ce domaine.

On sait en effet que l’image d’une Institution dans l’opinion publique est largement déterminée par la façon dont elle parvient à faire comprendre au plus grand nombre le but de sa mission et à expliquer clairement chacune de ses décisions majeures. Ceci est particulièrement vrai pour une organisation pluri-nationale aussi étendue et complexe que l’Union européenne.

Au sein de celle-ci, c’est la Commission qui est chargée de communiquer à la fois sur l’action de l’Union dans son ensemble et sur son action propre en tant qu’organe exécutif - et qui dispose à cet effet des moyens humains et financiers appropriés.

Les débats et résultats des élections européennes de 2014 ont bien mis évidence l’aggravation de ces maux anciens que sont la méconnaissance persistante et la méfiance croissante de la plus grande partie de l’opinion vis à vis de "Bruxelles", incarnée aux yeux du public par la Commission.

Cette entité lointaine s’est de plus en plus avérée incapable d’expliquer et de défendre ses propositions et ses actions directement auprès des citoyens européens. Sa figure est plus celle d’un organe technique, voire technocratique, que d’un gouvernement responsable et attentif aux réactions de l’opinion. Elle est presque totalement absente - comme acteur sinon comme objet - de la scène médiatique ; elle ne répond guère aux critiques (souvent injustifiées) qui lui sont adressées publiquement ; elle semble limiter ses contacts aux gouvernements et administrations des États membres ainsi qu’aux représentants officiels des milieux économiques sectoriels.

En définitive, le citoyen européen n’est informé de l’évolution générale de l’Union que par les responsables politiques nationaux en place et à travers le prisme de leur orientation et de leur intérêt politique propres - au surplus variables au gré des alternances. La presse nationale ne manifeste guère d’intérêt particulier pour l’activité quotidienne des Institutions européennes et fait parfois preuve - comme au Royaume Uni - d’une hostilité manifeste.

Par delà les mesures de ré-organisation administrative qui amélioreront l’outil de communication, le Président de la Commission pourrait ré-examiner quelques questions de principe qui sous-tendent le message que veulent faire passer aux citoyens les responsables de l’Union européenne :

  • n’est-il pas nécessaire d’assumer pleinement et explicitement les objectifs des Traités : une unité et une solidarité croissantes entre les peuples et les États d’Europe ?
  • ces objectifs doivent-ils être passés sous silence voire même remis en cause [1] sous prétexte que certains gouvernements ou certains courants politiques les contestent ?
  • la Commission ne représente-t-elle pas, par nature, la permanence et la "mémoire" de l’Europe et n’a-t-elle pas le devoir d’assumer cette représentation ?
  • ne serait-il donc pas opportun, pour la nouvelle Commission, d’adopter "un nouveau profil" plus engagé, plus responsable, plus pro-actif ?
  • la Commission n’a-t-elle pas la légitimité nécessaire pour s’adresser directement aux citoyens - ou bien cette fonction est-elle réservée aux gouvernements nationaux ?

Prenons un seul exemple récent lié à l’affaire de la contribution britannique au budget évoquée lors du dernier Conseil européen : n’aurait-il pas été opportun que le Président de la Commission lui-même remette publiquement les choses au point (comme l’a fait courageusement le commissaire - sortant - chargé du budget) et en profite pour rappeler que les États membres violent les Traités lorsqu’ils refusent de créer de véritables ressources propres européennes et de financer le déficit du budget européen ?

Jean Claude Juncker est notamment connu pour son franc parler.

Souhaitons qu’à l’occasion de la refonte du système de communication de la Commission, il inaugure également un nouveau style de rapport avec l’opinion publique, plus engagé, plus direct et même plus personnalisé. Il a la compétence et la légitimité nécessaires pour engager cette opération "de la dernière chance" - à l’horizon 2019.

Jean-Guy Giraud 28-10-2014

Notes

[1Lors du Conseil européen des 26 et 27 juin, la notion d’"union sans cesse plus étroite des peuples européens" - affirmée et confirmée par les Traités a été remise en cause formellement par les chefs d’État et de Gouvernement sans que le Président de la Commission ne réagisse.

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