« L’Europe enfla si bien qu’elle creva, de 27 à 36 Etats », de Sylvie Goulard. Voilà un livre, au titre volontairement provocateur, qui vient à point nommé !

Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.

, par Michel Caillouët

« L'Europe enfla si bien qu'elle creva, de 27 à 36 Etats », de Sylvie Goulard.

Il nous emmène à réfléchir sur le dilemme élargissement-approfondissement, si important en 2024 avec les défis géopolitiques liés à l’agression russe en Ukraine, et, sans aucun doute, la nécessité d’une Europe mieux assise sur ses valeurs de démocratie, état de droit, la non-discrimination..

Le ton du livre est donné dès la quatrième de couverture « Les dirigeants européens ont décidé : ils ont promis à l’Ukraine, à la Moldavie, à la Géorgie et à tous les pays des Balkans occidentaux qu’ils rejoindraient l’Union Européenne. Les bons arguments ne manquent pas mais, face à un Vladimir Poutine déterminé à abattre tout ce qu’elle représente, l’UE n’a pas le droit à l’erreur . Or le processus a été lancé sans plan d’accord sur l’essentiel. »

Le grand mérite du dernier livre de Sylvie Goulard, avec son expérience reconnue ( membre du Cabinet du Président Prodi à la Commission, longtemps Parlementaire européenne…), est de nous alerter, et de bien fixer les enjeux : la décision concernant l’éventuel passage de de 27 à 36 membres « doit être réfléchie, en pesant le pour et le contre » .

L’auteure rappelle en effet que l’élargissement peut être le « moyen d’affirmer les valeurs européennes face à un Vladimir Poutine qui exècre l’UE et tout ce qu’elle incarne : la liberté, les droits fondamentaux , la non-discrimination »

En effet « l’UE est un ensemble ouvert, coopératif. L’extension de l’État de droit, de la démocratie et d’un marché régulé a eu des effets bénéfiques, nous le savons d’expérience » ( exemples de l’Espagne, du Portugal, des pays baltes… ), mais elle met en garde : que voulons-nous, consolider une « Europe communauté, qui reconnaît des droits aux citoyens, défend des valeurs, organise la solidarité par-delà les frontières, et qui a vocation à être dotée de moyens diplomatiques et militaires propres, comme elle s’est dotée d’une monnaie ? « ou bien nous satisfaire d’une Europe marché, ou bien, pire encore, si nous n’agissons pas assez, nous contenter d’une Europe mirage , celle d’aujourd’hui ( qui serait encore pire à 36 membres) , « faite d’égoïsmes nationaux juxtaposés, dépourvue de budget propre, entravée par le véto et la pusillanimité, dont la politique étrangère reste à peine coordonnée, et la défense un empilement désordonné de moyens nationaux ».

Et l’auteure d’affirmer, dans les circonstances actuelles, l’ »Europe XXL » que de nombreux politiques nationaux nous proposent, n’est qu’une chimère, et n’impressionnera ni Poutine, ni Trump, ni la Chine….

Le diagnostic des insuffisances européennes est juste et pertinent , une grosse piqure de rappel, tellement opportune !

Attaque en règle du rôle et fonctionnement du Conseil Européen, « organe (inefficace), qui ne rencontre aucune limite, avec un pouvoir hyper-concentré et fragmenté ( puisqu’il est partagé entre 27 gouvernements, (et se serait tellement pire avec 37 ! ). Organe qui ne reçoit pas de mandat politique, qui ne rend de comptes à personne, même au Parlement ( qui n’a aucune influence sur sa désignation ). En résumé, le Conseil européen est « littéralement irresponsable », c’est une espèce de « congrès de Vienne intermittent », un « archaïsme par rapport à l’invention de l’Europe communautaire » , fondée, depuis 1950, sur la recherche d’un intérêt commun ».

Des changements ou des réformes sont impérativement nécessaires pour répondre aux défis du XXIème siècle ( sécurité, environnement, citoyenneté, solidarité….). L’Europe actuelle est inopérante sur la plupart de ces domaines, ne dispose que d’un budget réduit à portion congrue, sans réelles ressources propres, inefficacité coupable.

Si rien n’est fait, le risque de désagrégation de l’Europe communautaire est évident et une UE à 37, sans réformes, ne sera plus qu’une organisation internationale faible, sans influence, et certainement dominée.

La thèse de Sylvie Goulard dans son livre est dès lors très clair : Impératif de réformer d’abord, accueillir de nouveaux membres ensuite ! Et mieux encore « travailler à construire le patriotisme européen dont nous avons besoin  » !

Mais, selon le livre de l’auteure, « ce petit livre de prétend pas détailler les réformes à mener pour permettre l’arrivée de tant de nouveaux pays supplémentaires dans l’UE… Mais l’ampleur du chantier ne fait aucun doute ».

Dès lors, les fédéralistes, tout en comprenant le message, seront un peu déçus…

Même si quelques mots sont dits sur « la nécessité de privilégier la méthode de réforme de traités consistant à réunir une convention », si une allusion est faite, en passant aux Etats-Unis d’Europe, le verdict semble sans appel «  la plupart des responsables admettent, en général, qu’à terme, l’UE devra se transformer sur un mode fédéral, et, à terme, revoir son organisation, son budget et améliorer sa légitimation. A terme, ils le répètent tous, je les entends déjà depuis 30 ans, sans jamais parvenir à s’y résoudre » ( tant les pesanteurs nationales et de pouvoirs sont importantes..)

On retiendra aussi ce message adressé aux militants du plus d’Europe :

« Marqué par la peur et les tabous, le débat européen manque de hauteur de vue. C’est affligeant. Le camp pro-européen a perdu toute audace. Depuis des décennies désormais, les partis modérés – ou ce qu’il en reste- font (face aux nationalistes) un service minimum sur l’Europe ».

Dont acte, aux fédéralistes de prendre la mesure de ces tristes observations !

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