« La défense européenne était au congélateur, désormais elle est au freezer »

Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.

, par Rémi Lauwerier

« La défense européenne était au congélateur, désormais elle est au freezer »

L’UEF-Paris a organisé un café-débat le 18 janvier 2018 sur le thème de la Défense européenne.

Cette discussion a permis d’établir dans un premier temps, un état des lieux des dysfonctionnements de la défense en Europe, puis d’en faire émerger deux approches de construction d’un pouvoir central : fonctionnaliste et politique. Enfin, les échanges se sont focalisés selon trois axes qui seront à davantage approfondir : le développement d’un esprit de défense européen pour une Europe plus soudée, l’avenir de la relation UE / OTAN et la lutte contre le terrorisme comme opportunité de convergence stratégique et opérationnelle.

La défense européenne actuelle : incomplète et inefficace

L’Europe est incapable de résoudre les problèmes car elle est dans l’incapacité à faire. Le premier frein est l’absence d’une compréhension commune de l’ensemble des enjeux intérieurs et extérieurs. La France s’est engagée en Lybie et au Mali sans avoir au début le soutien de tous les États Membres (EM). Les participants du café-débat proposent qu’un livre blanc de la défense soit rédigé afin de développer une vision du monde cohérente. Le deuxième frein est la diversité des cultures stratégiques des EM, i.e. des manières de répondre à ces enjeux. Trois visions se confrontent : une défense qui soutient une politique étrangère (ex. France), une protection territoriale (ex. Pologne) et l’application du principe de neutralité (ex. Autriche). En Syrie, François Hollande était prêt à intervenir mais attendait une intervention des américains. Un engagement fort de l’UE sur des objectifs et un mode d’intervention lui permettrait de renforcer son rôle dans le monde et de gagner en indépendance.

La défense des pays européens est inefficace par rapport à l’investissement consenti. L’enjeu de l’investissement concerne à la fois la R&D, avec la mutualisation des coûts de développement, et les achats de matériel. Les exemples d’échecs de projets de développement communs sont nombreux comme le NH90 et l’A400M. De même, les tentatives passées de création d’une centrale d’achat européenne n’ont pas abouti. Malgré ces échecs, l’enjeu est de taille : un cahier des charges commun orienté coût permettrait d’économiser de 10 à 110 milliard d’euros (humains, R&D), selon un rapport de la Commission. Aujourd’hui, les équipements sont nationalisés, les acheteurs, comme la DGA en France, ont une forte inertie et ne souhaitent pas être contournés par une direction européenne de l’armement.

Comment faire émerger un pouvoir européen ?

Une défense repose sur un outil militaire utilisé dans le cadre d’une politique. Ainsi, deux approches s’opposent pour construire cette défense européenne. La première est l’approche fonctionnaliste : un outil militaire efficace et intégré entre les États membres permettra de renforcer le poids de l’Europe sur la scène internationale et de former un pouvoir que les politiques pourront ensuite utiliser pour appliquer une stratégie. Cependant, cette analyse est fondée sur la projection à long-terme d’une vision commune de cet outil, or les divergences de visions sont nombreuses entre les EM. La seconde est l’approche politique : une vision commune avec une politique étrangère européenne est nécessaire pour donner l’impulsion et le cadre du développement d’une défense européenne. Cependant, avec un outil militaire peu intégré entre les EM, de nombreux dysfonctionnements et un manque de réactivité peuvent faire échouer nos politiques.

Comment prendre en compte les peuples ?

Le rôle primordial d’une armée est de souder un peuple : créer un esprit de défense. L’État a le monopole de la force et assure en échange la sécurité du peuple. Ce principe fondamental est à la base de l’existence de nos sociétés. Pour la développer, les participants proposent la création d’une légion étrangère européenne (en France, elle est réputée pour ses valeurs notamment de défense de la liberté), d’une garde nationale européenne, d’un Erasmus militaire, voire d’une conscription pour une défense intérieure (la Suisse a une armée de conscrits qui ne se bat jamais à l’extérieur).

Le terrorisme : opportunité pour une convergence stratégique et opérationnelle

Lors des attentats qui ont touché la France et la Belgique, les réponses (non coordonnées) des deux pays ont manqué d’efficacité, prouvant qu’une plus grande coopération entre les États est nécessaire. Il faut d’abord en prouver la légitimité aux citoyens, et adresser la problématique de cohésion, de droit, et de frontières. Les participants proposent une capacité d’intervention sur tout le territoire européen (ex. GIGN), voire d’un pré-positionnement d’unités européennes, afin de faire face aux inégalités de protection des territoires, comme Malte, zone très exposée mais non protégée. Cette mutualisation de moyens doit s’accompagner d’une harmonisation juridique avec la création d’un FBI européen, sous l’impulsion d’un couple franco-allemand fort.

En conclusion, l’UE doit se préparer à l’éventualité d’une crise commune. Une armée européenne ne pourra pas être unitaire mais elle peut s’unir autour d’enjeux communs. Les participants promeuvent une défense européenne pragmatique et ambitieuse autour de deux axes de développement : une défense fondée sur un couple franco-allemand fort et le développement en priorité d’une armée tournée vers la sécurité intérieure de l’UE, notamment vers la lutte contre le terrorisme.

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