L’immigration risque de faire trébucher l’UE

Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.

, par Michele Ballerin

L'immigration risque de faire trébucher l'UE

Les résultats des élections autrichiennes pour le renouvellement du Nationalrat, la chambre basse du parlement autrichien, viennent d’en apporter une énième confirmation (que nous avions déjà soulignée) : l’écueil sur lequel le projet européen risque de se briser est, plus que celui de la crise économique, celui de l’immigration. C’est en brandissant le cauchemar d’une immigration non contrôlée que les nationalistes britanniques ont fait sortir la Grande Bretagne de l’Union européenne (UE), selon un schéma que les nationalistes de l’ensemble de l’Europe chercheront à reprendre dans chaque État membre, dès qu’ils en auront l’occasion.

Taxer de mauvais populisme cette tactique ne sert à rien. Le problème est bel et bien réel et il nous faut, comme pour tous les problèmes, chercher les moyens adaptés à sa résolution. On ne peut sous-estimer le phénomène migratoire. Essentiellement parce qu’il trouve son origine dans une croissance démographique incontrôlée qui, au cours des dernières décennies, a transformé l’Afrique en bombe à retardement. Les bouleversements électoraux qui semblent démontrer un éloignement croissant entre nos institutions communes et des pans entiers de la société européenne sont la conséquence directe d’une politique de l’autruche menée depuis trop longtemps par les classes dirigeantes. Le moment est venu de sortir la tête de ce tas de sable confortable !

Comme l’économie, comme la menace du terrorisme international, comme le changement climatique, l’immigration doit être "gouvernée". La perception de tant de citoyens perplexes ou désemparés repose sur des bases réelles, loin des préjugés et de la paranoïa : un État n’est pas souverain s’il ne contrôle pas ses frontières. Les choses changeront quand le monde rêvé par Emmanuel Kant sera devenu réalité. En attendant nous ne pouvons faire comme si les frontières étaient devenues un concept obsolète. Les Européens doivent décider si un acharnement thérapeutique sur de vieilles frontières nationales a encore un sens (qui en séparant et protégeant les États les uns des autres met en cause l’idée même de l’unité européenne) ou si au contraire il ne conviendrait pas de travailler sur la gestion d’une frontière commune, en en partageant les charges et avantages.

Bien sûr la politique des frontières n’est qu’une petite partie de la politique que devrait mener l’Europe pour faire face à l’urgence. Il y a quelque temps en Italie le Secrétaire général du Parti Démocrate a été sévèrement critiqué pour avoir affirmé que les populations africaines poussées à émigrer vers la Méditerranée devraient être aidées dans leurs pays d’origine. Il ne s’agit pourtant que de simple bon sens. C’est vrai : la véritable solution à la crise migratoire réside dans un développement réel – c’est à dire solide et étendu – du continent africain qui devra aller de pair avec la promotion d’une culture de la stabilité politique et de l’État de droit.

A cela doit s’ajouter – dans une logique s’appuyant sur le concept d’"immigration supportable" – un effort commun et solidaire pour développer d’efficaces instruments d’intégration pour les migrants que pourront accueillir les États européens. N’est pas humanitaire en effet une politique qui ouvre les portes à une armée de désespérés et les oublie ensuite, les abandonnant à leur sort. C’est, à dire vrai, quelque chose de très similaire à un aveugle et abject "je m’en foutisme". Le thème de l’intégration est crucial. Il requiert de considérables ressources humaines, logistiques, économiques. En Italie nous les gérons tant bien que mal ou, pour ainsi dire, nous ne les gérons pas.

On peut en dire autant de l’Europe des 27. Si tant de citoyens européens sont tentés par le repli nationaliste c’est parce qu’ils estiment qu’aucun pouvoir public ne peut en fait prendre en charge la situation. Et, encore une fois, il suffit d’une dose minima d’honnêteté intellectuelle pour admettre qu’ils n’ont pas tort. Ni l’UE, ni les gouvernements de ses États membres n’affrontent réellement le problème de l’immigration africaine. La vérité est qu’ils ne le peuvent car ils ne possèdent pas les instruments pour le faire.

Le terme technique approprié pour décrire le syndrome qui affecte la politique européenne est "anarchie", au sens étymologique grec : an-arko, absence de gouvernement. Sur notre continent la puissance publique est actuellement répartie entre les différents niveaux de la gouvernance européenne : national, communautaire et dans aucun des deux cas elle n’est assez importante pour nous permettre de l’exercer pleinement.

Cette situation est un effet de la mondialisation qui a désormais soustrait aux États nations les instruments de gestion de son propre fonctionnement. Mais c’est aussi un effet de l’intégration européenne que ces mêmes gouvernements nationaux ont constamment freiné en l’empêchant d’aller jusqu’à l’institution d’un gouvernement commun dans les domaines qui l’exigeraient le plus, notamment celui de la politique étrangère.

Il est très facile de comprendre que les heures de cette situation d’impasse sont comptées. On ne peut imaginer une UE égale à elle-même dans les dix ou quinze ans : ou l’Union changera ou elle assistera au démantèlement, pièce par pièce, des quelques prérogatives politiques qu’elle avait fini par acquérir. L’alternative est aussi pénible à imaginer : une mosaïque de satellites à la merci d’une mondialisation que, il ne faut se faire aucune illusion, nulle force au monde ne pourra arrêter ou même seulement contenir. Reste une troisième hypothèse : une Europe forte, unie politiquement à partir d’un groupe de pays volontaires, en capacité d’assumer ses propres responsabilités. On en parle de plus en plus dans les institutions : Commission, Conseil, gouvernements, parlements. Il reste à passer aux actes.

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