Discours sur l’état de l’Union : comment éviter les questions qui fâchent ?

Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.

, par Alexandre Marin

Discours sur l'état de l'Union : comment éviter les questions qui fâchent ?

Ce qui a été dit lors de ce discours sur l’état de l’Union

Le discours sur l’état de l’Union nous vient du traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009. Depuis cette date, il est prononcé chaque année au début du mois de septembre par le président de la Commission européenne devant l’assemblée plénière du Parlement européen, à Strasbourg. Cette pratique s’inspire du discours éponyme prononcé annuellement par le président des Etats-Unis devant le Congrès.

Ce discours a essentiellement été un catalogue de mesures adoptées l’année passées ou à venir avant les élections européennes de juin 2024. Comme si Ursula Von der Leyen ne s’adressait qu’à la « bulle européenne », quasiment seule à l’écouter. La seule partie intéressante de ce discours était l’hommage très émouvant à Victoria Amelina, femme de lettres ukrainienne, tuée par les Russes dans un bombardement.

Les thèmes centraux de ce discours ont été l’égalité entre les femmes et les hommes, le pacte vert, la politique industrielle, l’inflation, l’intelligence artificielle, la politique migratoire, la guerre en Ukraine, et l’élargissement.

Sur le pacte vert et la politique industrielle la présidente de la Commission a rappelé le « plan industriel du pacte vert », présenté par l’exécutif européen en février, pour répondre à l’Inflaction Reduction Act, plan d’investissement américain, subventions destinées à financer la transition énergétique et conditionnées à une production dans le pays.
Pour répondre aux inquiétudes des industriels et des citoyens sur le dumping industriel chinois, la présidente de la Commission a annoncé une enquête anti-subvention contre les automobiles chinoises pour protéger l’industrie et le marché européens contre une concurrence faussée. Les voitures chinoises ont un prix artificiellement bas dues à des subventions massives.

Sur l’intelligence artificielle, Ursula Von der Leyen a demandé l’équivalent d’un GIEC de l’intelligence artificielle, afin de réguler au mieux les innovations en provenance de ce secteur.

Madame Von der Leyen a ensuite vanté l’accord conclu entre l’Union européenne et la Tunisie pour que ce pays contrôle ses frontières et évite les départs de bateaux pour l’Union. Cet accord, selon elle, constitue un équilibre entre la protection des frontières et la sécurité des personnes migrantes. Elle veut en faire le modèle des futurs accords avec les pays limitrophes de l’Union sur la politique migratoire.

La présidente a conclu par l’appel à un élargissement vers une UE à 30 pays ou plus, sans que cet élargissement soit nécessairement lié à un approfondissement préalable.

Un discours où les sujets de discorde sont évités

Si elle a parlé de la protection des automobiles européennes face à la concurrence déloyale venue de Chine, elle s’est abstenue de parler de l’interdiction des voitures thermique d’ici 2035, critiquée pour exposer l’industrie automobile européenne à la disparition face à l’industrie automobile chinoise, beaucoup plus subventionnée, et bien plus avancée en matière de véhicules électriques.
De même, Ursula Von der Leyen a évité de commenter la politique raciste et xénophobe du président tunisien avec qui l’accord a été conclu. Les migrants morts à la frontière entre la Tunisie et la Libye, ou noyés en mer Méditerranée, apprécieront son « équilibre » entre la « protection des frontières » et leurs sécurités.

Enfin, quand elle promeut avec passion l’égalité entre hommes et femmes, elle reste silencieuse sur les affaires de viol au sein de la Commission ou de harcèlement sexuel à la Cour de justice, scandales étouffés par les institutions respectives qui s’estiment au-dessus des lois.

Le discours sur l’état de l’Union a été suivi d’interventions de plusieurs eurodéputés issus de tous les groupes parlementaires. Qu’ils fussent dans la majorité ou dans l’opposition, tous ont soigneusement évité les sujets qui fâchent.
Seul le libéral belge Guy Verhofstadt, ouvertement fédéraliste, a critiqué la volonté de la présidente de la Commission d’élargir l’Union sans approfondissement préalable, arguant qu’il serait bien plus difficile d’avoir une politique étrangère, fiscale, ou de défense autonome, avec 30 ou 35 États membres statuant à l’unanimité.

Une Europe fédérale pour un discours sur l’état de l’Union digne d’un authentique discours politique

L’Union européenne est gouvernée par les États. Elle est donc une union diplomatique. Or, la sphère diplomatique est un milieu où règne le secret des négociations. Ce n’est pas pour rien que les réunions du Conseil européen, du Conseil des ministres ou de l’eurogroupe se tiennent à huis clos. Les ingérences de la presse y sont donc mal vues.
Si vraiment nous voulons améliorer la liberté de la presse en Europe, commençons par les institutions et transformons cette Union diplomatique d’États en une Europe politique et démocratique de citoyens, c’est-à-dire en une Europe fédérale.

Si le discours européen de l’Union est très loin de la popularité de son équivalent américain, c’est que les USA sont une fédération, ce que n’est pas l’Union européenne. Le manque de vision de la présidente vient du fait que les chefs d’États et de gouvernements l’ont choisie parce qu’elle se contenterait de les suivre. Ses prétentions à être à la tête d’une Commission géopolitique ne sont que du vent et témoignent d’un gouffre béant entre les paroles et la réalité.

Le choix entre l’Europe fédérale et l’Europe intergouvernementale que nous avons actuellement, c’est le choix entre une puissance comparable à celle des Etats-Unis d’Amérique, capable de peser dans les affaires du monde, et celui d’une coalition au niveau européen, qui ne serait que la simple addition des poids respectifs de ses membres. Vu le déclin du poids des États européens dans le monde, continuer dans la voie intergouvernementale, c’est faire de l’Europe une épave en devenir.

Si on veut des discours sur l’état de l’Union qui soient autre chose que des listes creuses qui n’intéressent presque personne, il faut faire de l’Union européenne une fédération.
Et peut-être également prononcer ce discours entre 18h et 20h, plutôt que le matin un jour de semaine.

Pour conclure, si vous n’avez pas pu écouter le discours sur l’état de l’Union, ne vous en faîtes pas, vous n’avez rien manqué.

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