Résolution : La légitimité démocratique dans la gouvernance de l’Union économique et monétaire Adoptée en plénière par le comité fédéral de l’UEF-Europe le 18 juin 2017

Résolution : La légitimité démocratique dans la gouvernance de l'Union économique et monétaire

L’UEF fixe clairement un point de doctrine avec cette résolution proposée par François Mennerat et adoptée par le comité fédéral de l’UEF à Madrid le 18 juin 2017. C’est une réponse à ceux qui feraient intervenir directement les parlements nationaux, voire régionaux, dans les institutions de l’Union européenne, particulièrement de la zone euro — Thomas Piketty entre autres, notamment dans son livre « Pour un Traité de démocratisation de l’Europe » publié pour la campagne présidentielle.

Attendu que

 il est admis que l’enracinement de la démocratie dans l’ensemble de l’Union européenne constitue une impérieuse nécessité, dont la manifestation la plus éclatante devrait être le renforcement et le développement des processus démocratiques dans toutes les institutions de l’UE ;

 pour pouvoir durer, l’Union européenne doit être solidement établie sur la base du principe de subsidiarité ;

 il est généralement admis aujourd’hui que toute tentation de recourir à des amendements des traités et de créer de nouvelles institutions doit être repoussée au moins jusqu’à la prochaine législature du Parlement européen ;

 dans un monde en perpétuel changement, qui n’avance pas recule, et aussi longtemps que tous les États membres ne seront pas prêts politiquement et économiquement à avancer d’un même pas, le recours temporaire à l’intégration différenciée est inévitable ; il faut, par conséquent, confier à une avant-garde la mission d’explorer de nouvelles voies ;

 ceci n’exclut aucunement que les États membres qui semblent rester provisoirement à la traîne bénéficient continûment d’aide et d’assistance grâce au Fonds de cohésion, leur permettant ainsi de rattraper les plus avancés et de maintenir la cohérence de toute l’Union, et aussi parce qu’il s’agit là d’une question de solidarité entre peuples européens ;

 le groupe le plus important d’États membres ayant besoin de reprendre leur marche en avant est constitué des membres de l’UEM, appelé la « zone euro », dans laquelle vivent 76 % des citoyens de l’Union européenne à 27 membres, afin de renforcer sa gouvernance en vue d’une légitimité démocratique et d’une efficacité accrues ;

 les dispositions relatives aux coopérations renforcées présentes dans le TUE (titre IV) et le TFUE (titre III) sont considérées comme non pertinentes pour fournir le cadre de la gouvernance interne de l’UEM ;

 en particulier, et parce que le vote du budget constitue l’une des fonctions régaliennes et l’un des privilèges de tout Parlement, le contrôle démocratique de la gouvernance de l’UEM par une assemblée parlementaire constituera l’une des mesures les plus urgentes à prendre lorsque la zone euro se verra dotée d’une capacité budgétaire ;

 il est admis que dans tout État membre, le Parlement est composé des représentants de tous les citoyens de cet État membre, bien qu’ayant éventuellement été élus chacun dans une circonscription territoriale particulière, et ce de manière évidente s’ils ont été élus à la proportionnelle ; de même, l’article 14.2 TUE dispose que « Le Parlement européen est composé de représentants des citoyens de l’Union », ce qui signifie qu’un député européen ne représente d’aucune manière les seuls citoyens de l’État membre dans lequel il ou elle a été élu-e, ou n’est pas le porte-parole des intérêts propres de cet État membre ; lorsqu’il traite des affaires concernant la zone euro, la portée de son action embrasse l’Union toute entière ;

 dans n’importe quel Parlement, les députés se voient confier un cadre de compétence par leurs électeurs, électeurs devant lesquels ils sont responsables dans les limites de ce cadre de compétence, lequel, en même temps, définit et nourrit leur légitimité démocratique ; par conséquent, de même que les cadres de compétence respectifs des assemblées parlementaires régionales, nationales et européenne diffèrent par essence, de même leurs légitimités démocratiques diffèrent ; c’est pourquoi toute interférence floue et anarchique entre différents niveaux de représentation démocratique est inacceptable ;

 tandis que la légitimité démocratique, d’où le cadre de compétence, du Parlement européen s’étend et se borne tout à la fois aux seules affaires européennes, c’est à dire celles qui concernent le bien commun des citoyens de l’Union européenne au sens large, ceux des députés des Parlements des États membres sont par essence restreints au bien commun au sein de ces États membres et au seul bénéfice de leurs propres citoyens ; chaque domaine particulier de légitimité démocratique se traduit par des cadres de compétence distincts au nom d’électorats différents ;

 même si, en même temps, il doit être tenu compte du principe de subsidiarité dans la gouvernance de l’UEM, le cadre de compétence des Parlements des États membres est d’une nature particulière et il ne peut leur être accordé aucun rôle direct dans la structure institutionnelle européenne comme certains le réclament à ce titre ;

 le rapport Béres-Bröge (sur la capacité budgétaire de la zone euro) dispose « qu’il convient que le Parlement européen et les parlements nationaux exercent un rôle accru dans le nouveau cadre de gouvernance économique (de la zone euro) de manière à renforcer la responsabilité démocratique » et que « pour renforcer (l’)appropriation, il faut que les parlements nationaux contrôlent les gouvernements nationaux et que le Parlement européen contrôle les responsables européens » ;

 le rapport Bresso-Brok (sur l’amélioration du fonctionnement de l’Union européenne en mettant à profit le potentiel du traité de Lisbonne) dispose « que le dialogue politique entre les parlements nationaux et le Parlement européen doit être accru et rendu plus constructif et substantiel, sans pour autant dépasser les limites de leurs compétences constitutionnelles respectives » et « insiste, à cet égard, sur le fait que les parlements nationaux sont les mieux placés pour définir et contrôler, à l’échelon national, les actions de leurs gouvernements respectifs en matière d’affaires européennes, tandis que le Parlement européen devrait veiller à la légitimité et à la responsabilité démocratique de l’exécutif européen » ; qu’« il insiste sur le fait que les décisions doivent être prises au niveau des compétences constitutionnelles appropriées et sur une répartition claire des compétences décisionnelles entre les parlements nationaux et le Parlement, selon laquelle ceux-ci doivent exercer leur fonction européenne en se fondant sur leur constitution nationale, notamment au moyen du contrôle de leur gouvernement national en tant que membre du Conseil européen et du Conseil, qui représente pour les parlements l’échelon idéal pour influer directement sur le contenu du processus législatif européen et le contrôler » et qu’il « s’oppose par conséquent à la création d’organes parlementaires mixtes disposant de pouvoirs de décision » ; qu’il « propose de faire du Conseil une véritable chambre législative » ; il « insiste sur l’importance du principe de subsidiarité tel que le prévoit l’article 5 du TUE » et « rappelle, dans ce contexte, les rôles respectifs attribués aux parlements nationaux et au Comité des régions » ; il « rappelle aux parlements nationaux qu’ils ont un rôle majeur à jouer en ce qui concerne le contrôle de l’application du principe de subsidiarité » et « estime que les possibilités formelles dont disposent les parlements nationaux pour veiller au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité sont suffisantes, mais qu’il y a lieu de renforcer la coopération entre les parlements nationaux » ;

 le rapport Verhofstadt (sur les évolutions et adaptations possibles de la structure institutionnelle actuelle de l’Union européenne) « souligne qu’étant donné que le respect des règles est essentiel au bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire, il est nécessaire de prévoir des fonctions de gouvernance plus fortes que celles assumées actuellement par la Commission et l’Eurogroupe, de mener des contrôles démocratiques complets et de parvenir à un équilibre par l’association du Parlement européen à tous les aspects de l’UEM » ; il « considère qu’en parallèle, pour améliorer l’appropriation, l’obligation de rendre compte doit être garantie au niveau où les décisions sont prises ou mises en œuvre, les parlements nationaux contrôlant les gouvernements nationaux et le Parlement européen contrôlant l’exécutif européen » ; il « estime que le Conseil (de l’Union européenne) et ses configurations spécialisées, en tant que seconde chambre de l’autorité législative de l’Union, devrait, dans un souci de spécialité, de professionnalisme et de continuité, remplacer la pratique de la présidence tournante de six mois par un système de présidents permanents choisis en son sein ; suggère que les décisions du Conseil soient prises par un Conseil législatif unique et que les configurations législatives spécialisées existantes du Conseil deviennent des organes préparatoires, à l’image des commissions au Parlement » ; il « estime (aussi) que les États membres devraient être en mesure de déterminer la composition de leur représentation nationale dans les configurations spécialisées du Conseil, qu’il s’agisse de représentants de leurs parlements nationaux ou de leur gouvernement respectifs, ou une combinaison des deux » ; il « reconnaît (néanmoins) le rôle significatif que jouent les parlements nationaux dans l’ordre institutionnel actuel de l’Union européenne, et en particulier leur rôle dans la transposition de la législation de l’Union en droit national et le rôle qu’ils joueraient dans le contrôle ex ante et ex post des décisions législatives et choix stratégiques de leurs membres du Conseil, y compris ses configurations spécialisées » ; et « suggère dès lors de compléter et de renforcer les pouvoirs des parlements nationaux en introduisant une procédure de "carton vert" permettant aux parlements nationaux de présenter des propositions législatives au Conseil pour examen » ;

le comité fédéral de l’Union des fédéralistes européens, réuni à Madrid, Espagne, les 17 et 18 juin 2017, adopte la déclaration suivante :

1. La légitimité démocratique du dispositif institutionnel gouvernant l’Union économique et monétaire doit être assurée par la règle générale selon laquelle le Parlement européen est décisionnel pour tous les sujets concernant l’Union économique et monétaire, y compris un éventuel budget pour la zone euro. Mais on doit établir en même temps une nouvelle règle de vote donnant le droit de vote exclusif quant aux affaires de la zone euro aux seuls députés européens ayant été élus dans les États membres appartenant à cette Union économique et monétaire.

2. Dans le plein respect du principe de subsidiarité, son application au processus de gouvernance de l’Union économique et monétaire doit se faire d’une manière similaire au rôle joué au niveau de l’Union européenne par le Conseil de l’Union européenne agissant en sa fonction législative, sans droit de veto d’aucun État membre.

P.-S.

Photo : UEF-Europe

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