Le pari et le piège de Mme. May Le discours du 17 janvier 2017 du Premier Ministre du RU a été abondamment commenté par la presse

Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.

, par Jean-Guy Giraud

Le pari et le piège de Mme. May

Un discours de politique intérieure ?

Cependant, le lien avec la politique intérieure du gouvernement conservateur en place n’a guère été souligné - alors qu’il pourrait expliquer la tonalité assez agressive de ce discours tant sur le fonds que dans la forme.

Il faut tout d’abord rappeler que ce référendum a été décidé, par le Premier Ministre sortant, sous la pression d’une partie importante du parti conservateur et de son groupe parlementaire. C’était même probablement le seul moyen d’éviter une scission interne de ce parti — en tout cas de rétablir sa cohésion et son unité et de reconstituer un leadership fort sous la ferme autorité d’un nouveau chef, à la fois plus populaire et plus charismatique [1].

Dans une grande mesure, le discours de Mme. May — Premier Ministre désignée par son Parti et non issue d’élections législatives — se situe dans cette perspective. Il est destiné à assurer la majorité de l’électorat que la promesse de retrait total de l’UE sera tenue ("Brexit means Brexit").

En même temps, il cherche à flatter les sentiments nationalistes de l’opinion et à la rassembler derrière sa personne et son parti. Il vise aussi à rassurer l’opinion, la ré-unir et l’entraîner vers un nouvel avenir, une nouvelle voie déjà baptisée et médiatisée sous le terme de "Global Britain".

En résumé, il fallait consacrer l’émergence d’un nouveau chef, soutenu par une majorité solide et doté d’une vision pour le Royaume Uni. Si — et lorsque — le Parlement devra voter sur le déclenchement de l’article 50 TUE (suite à l’arrêt attendu de la Cour Suprême) , Mme. May pourra vérifier qu’elle disposera bien du soutien de la Chambre des Communes pour mener à bien son programme intérieur et européen — au moins jusqu’aux prochaines élections prévues pour 2020.

Ne pas tomber dans le piège et re-prendre l’initiative

Dans ces circonstances, la réaction des Institutions et États membres de l’UE à ce qui pourrait apparaître comme une provocation, devrait être prudente. Amorcer une polémique en ordre dispersé par voie de communiqués hostiles serait tomber dans le piège tendu. Enflammée par une presse populaire ouvertement europhobe, l’opinion britannique - encore partagée lors du référendum - se tournerait alors en masse contre "le continent", fournissant ainsi un précieux soutien aux négociateurs britanniques.

De même, on peut regretter que l’UE ait laissé au RU la possibilité de prendre l’initiative des négociations : la Commission devra à présent réagir sur la base des positions et propositions de Mme May, savamment orchestrées et puissamment diffusées urbi et orbi. Il y aurait eu - et il y a encore - intérêt pour l’UE de définir dans le détail, le plus tôt et le plus fort possible, les conditions unilatérales qu’elle pose au RU, à l’entrée même des négociations.

Pragmatisme, flegme et empathie européens

La presse l’a bien souligné : la voie choisie par une (mince) majorité du peuple britannique est - plus qu’un pari risqué - un véritable saut dans l’inconnu. Par son discours du 17 Janvier, Mme May a cherché à rallier son électorat autour d’une vague idée du "retour vers le passé" glorieux du RU [2], confirmant ainsi son intention d’entraîner ce Royaume dans une aventure très incertaine.

Paradoxalement, c’est à l’UE qu’il revient aujourd’hui de faire preuve de réalisme, de pragmatisme et de flegme. Beaucoup d’eau coulera sous la Tamise, aux pieds de Westminster, avant que ne prenne forme et n’aboutisse le projet de Mme May. L’UE n’est peut-être pas aussi ancienne que le Royaume Uni mais elle est plus âgée que... Mme May. La permanence et la sagesse de ses Institutions lui permettent de survivre à des accès de fièvre et de rechercher inlassablement l’intérêt général européen avec toute la fermeté - mais aussi toute l’empathie - nécessaires.

Jean-Guy Giraud 9 - 01 - 2017

P.-S.

Photo : Le Premier ministre britannique se préparant pour son discours du 17 janvier 2017. Diffusé par Number 10 sur Flickr en Creative Commons. Crédit : Jay Allen. Copyright : Crown Copyright

Notes

[1la presse populaire s’est déjà engagée dans cette voie en qualifiant Mme. May de Iron Lady - sur le modèle/exemple de Lady Thatcher.

[2

Rule, rule Britannia , rule the waves
Britons never, never shall be slaves (...)

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