Les communes en France, en Suisse et en Allemagne : échelle pertinente de la mobilisation citoyenne Jour Fixe du 9 mars 2020

, par Chloé Fabre

Les communes en France, en Suisse et en Allemagne : échelle pertinente de la mobilisation citoyenne

Quels sont les pouvoirs des communes, en France et dans d’autres Etats européens ? Quelle est leur marge d’autonomie ?
François Coutin, secrétaire général de l’UEF Auvergne Rhône-Alpes est venu spécialement échanger avec nous et partager sa connaissance du fonctionnement des communes en Suisses et en Allemagne, deux modèles de fédéralisme.

Les Constitutions : dans les pays voisins (Italie, Suisse, Allemagne), chaque région a sa constitution et sa législation et les dispositions relatives aux communes y sont définies.

Historique des communes

Dans tous les pays européens, l’origine de la commune était la paroisse. Dans les pays de montagne, les communes avaient déjà beaucoup d’autonomie avec notamment des écoles. Avec Louis XIV, des intendants sont mis en place qui sont les ancêtres des préfets. On observe ainsi une centralisation précoce.

Les compétences des communes : les éléments qui concernent directement les habitants (école, assainissement, équipement sportif) et les relais avec les réseaux supérieurs (documents et dossiers administratifs).
Au dessus des communes : la Suisse tend vers la fusion des communes (4 400 à 3 200 en 30 ans), en Allemagne, les fusions se sont terminées en 1974 et il existe un échelon intermédiaire entre les communes et le Land, le Kreis, organisme élu. En France, il y a de nombreux syndicats intercommunaux (SIVU, SIVOM communautés de communes), en fonction de chaque gouvernement des structures ont été créées.

Organisation des communes

En France, le conseil municipal est élu par les citoyens et élit le maire en son sein.
En Allemagne, les conseillers municipaux sont élus. La commune a un pouvoir réglementaire dans des domaines limités. Les anciennes communes élisent aussi des délégués.
En Suisse, les questions relatives aux communes sont établies par les constitutions cantonales, chaque commune définit son fonctionnement interne. On distingue le législatif (conseil municipal) de l’exécutif (maire et adjoints). Dans certains cantons, dans les communes de moins de 600 habitants, les citoyens sont convoqués 2 fois par an et constituent le législatif et fixent les grandes orientations. En suisse, le fonctionnement des exécutifs est très collégial : l’ensemble de la coloration politique est présente.

Du point de vue des finances :

En France : exemple d’une ville de 15 000 habitants, le budget s’élève à 22 millions et les recettes propres représentent 37 % du budget (taxe d’habitation, taxe foncière). Avec la disparition de la taxe d’habitation, la taxe foncière sera perçue entièrement par la commune (2021) (Donc on déshabille les Départements). Pour info, le total des dépenses des collectivités locales (régions + départements + communes) s’élève à 220 millions, dont 120 pour les communes et villes. Et l’Etat dépense 400 milliards d’€/an.
En Allemagne : Sur les 700 milliards d’€ de dépenses/an, l’impôt sur le revenu et la TVA pèse 508 milliards. Ces deux impôts sont est perçu par les Länder : 42,5 % affectés au Bund, 42,5 % aux Länder et 13 % aux communes. Le total des recettes des communes est de 130 millions d’€. => ce sont des ressources propres car c’est gravé dans le marbre. Il n’y a pas de dotation de l’Etat mais une péréquation au sein des Länder.
En Suisse : l’impôt sur le revenu se répartit en part communale, cantonale et nationale. C’est le canton qui perçoit les impôts et reverse au niveau fédéral. 30 % de l’impôt sur le revenu va aux communes et aux cantons. La commune décide le pourcentage des impôts (en % de l’impôt cantonal).
Exemple : commune de 6000 habitants : 50 millions d’€ de recettes par an dont 26 millions d’€ venus de l’impôt sur le revenu. La commune est quasiment autonome. Le budget des communes est beaucoup plus important qu’en France par rapport à la population.

Les communes en Suisse et en Allemagne gèrent elles-mêmes les dépenses : elles ont leurs propres comptables et leurs propres comptes bancaires en banques. En France, la comptabilité des communes est tenue systématiquement par le Trésor Public (Etat) et les montants financiers intégrés dans "le Trésor Public". Du coup, en France, le circuit est plus complexe et les retards de paiement restent fréquents.

Les difficultés des communes

En Suisse comme en France (et pour une part en Allemagne), les communes voient une augmentation de leur dépenses obligatoires (sociales, etc.) et une législation foisonnante, ce qui décourage les élus. Par ailleurs certaines compétences relèvent de plus en plus des intercommunalités :
installations d’eau potable et d’assainissement

  • La collecte des déchets (un camion, 2 collectes par semaine, 10 000 à 15 000 habitants)
  • Le traitement des déchets ainsi que les thèmes environnementaux
  • le transport scolaire
  • dans certaines communes, les réseaux d’électricité et de gaz (régies non nationalisées en 1946, car déjà "publiques" à l’époque)
  • etc

De manière "classique" les fédéralistes soulignent qu’en pays fédéral, chaque niveau s’occupe des domaines de sa compétence (principe de subsidiarité). Mais un aspect tout aussi important est qu’en pays fédéral, "on part du bas vers le haut" alors qu’en France, le fonctionnement est vertical du haut vers le bas.

Par exemple en Suisse, les distributions de gaz et d’électricité sont de la compétence des communes, car ces activités ont été lancées initialement par les communes. Pour le gaz, les communes concernées ont créé depuis des décennies une association de distributeurs qui gère la règlementation technique et du personnel. L’intervention d’un ministère de l’Industrie comme en France n’apparait pas nécessaire, car les distributeurs sont considérés comme des "gens responsables" ...

Pour répondre à ces évolutions d’activités qui dépassent le cadre communal, les solutions peuvent être soit des fusions de communes, soit des systèmes intercommunaux. Un autre alternative est la présence d’une structure intermédiaire telle que le Kreis, qui en Allemagne se situe entre la commune et le Länd. Le Kreis est un organisme avec des élus, qui a ses compétences propres (l’équivalent géographique en France est l’arrondissement, mais qui est une administration de l’Etat). Exemple d’un Kreis du Land de Baden Württemberg : 220 000 habitants et 65 communes : 277 millions d’€ (1200 par habitant et par an = budget proche de celui d’un département français. 277 millions, dont 100 viennent du Länd, 100 de dotation de l’Etat fédéral ; Le Kreis a des compétences en matière de formation, d’économie, d’écologie, d’innovation.
On peut noter qu’en Allemagne, les communes sont de taille très variables, même après la fusion. L’Allemagne a été beaucoup plus respectueuse de la géographie et de la différence de densité des populations.

Les spécificités des communes suisses

On distingue la commune de résidence et la commune d’origine pour chaque personne. La commune d’origine est la commune dont chaque citoyen suisse est ressortissant. Cette commune était responsable de ses ressortissants : elle leur venait en aide sur le plan financier en cas de besoin. Cette responsabilité a été supprimée au début des années 2000 et transférée à la commune de résidence.
Le droit de cité : la personne est ressortissante d’une commune, d’un canton et du pays. Les personnes bénéficient d’une citoyenneté communale de même que de la citoyenneté cantonale et c’est ce qui détermine l’acquisition de la nationalité suisse. Pour un étranger, l’acquisition de la nationalité est gérée (selon les lois nationale et cantonale) par le canton qui sollicite l’accord à la commune qui décide si la personne devient citoyen de sa commune (droit de cité). Il en découle alors le droit d’être citoyen du Canton puis de la Suisse.
Le droit de référendum et d’initiative au niveau communal est défini par la législation cantonale.

Des contres-exemples en France :

La question du barrage Sivens, l’aéroport Notre-Dame des Landes est remonté au niveau national alors que dans les autres pays, ces questions restent au niveau local. En Allemagne, les problèmes difficiles de construction de l’aéroport de Berlin (années 2010-2020) sont toujours restés du ressort du Land de Brandburg-Pommern…

Conclusion :

  • La responsabilité : les niveaux locaux en Suisse et en Allemagne sont responsables de leurs politiques publiques, tant au niveau des décisions que des financements. De ce fait, les citoyens, mieux informés et mobilisés, ont des comportements plus responsables.
  • L’édifice politique en Suisse et Allemagne est défini par des constitutions et lois claires, qui définissent les responsabilités de chaque entité politique (« niveaux »). Ces lois peuvent évoluer mais seulement après étude approfondie et discussion, avec votes, contrairement au cas français où, comme dit un élu Suisse « Paris peut à tout moment
  • reprendre ce qui a été donné », voir l’exemple de la suppression de la taxe d’habitation en 2018-19…
  • Quelles incidences pour la France dans l’UE ? il apparait évident que les dirigeants français France, qui ne savent pas déléguer vers le bas, ne savent pas plus déléguer vers le haut (l’UE). Et les français qui voient comment fonctionne l’Etat en France (s’occupe de tout) ont peur que l’UE ait le même comportement puisque c’est le seul fonctionnement qu’ils connaissent...

Evolutions possibles ?
  On peut espérer une évolution par percolation depuis les autres pays européens. Nous avons déjà évolué sur le plan financier de gestion du pays : essais de limitation des déficits, arrêt des dévaluations (15 dévaluations entre 1918 et 1995). Mais il est vrai que les rapports de qualité comme le rapport PEBEREAU de 2005 restent lettre morte.
Débat
Dans les différents pays, il y a une tendance à un regroupement de communes et à l’intercommunalité ; La tendance est la même en France avec des préfets qui organisent de très grandes intercommunalités à partir des « grosses » communes, avec très peu de concertation avec la population et sans respect de la géographie de terrain (zones rurales).

Le modèle suisse montre un exemple radical d’implication des citoyens. La commune de Moutier, par exemple, a organisé deux référendums pour savoir à quel canton la commune souhaite être rattachée, alors que dans le Maine-et-Loire, la décision de rattachement de la commune a été prise au niveau des préfectures.

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