Une Europe souveraine pour un avenir durable d’ici 2030 et contre le changement climatique Résolution du Comité federal de l’UEF

Une Europe souveraine pour un avenir durable d'ici 2030 et contre le changement climatique

Biedesheim, Allemagne - Photo par Karsten Würth (@karsten.wuerth) on Unsplash

Adoptée par le Comité fédéral de l’UEF, 23-24 novembre 2019, Rome

Le Comité fédéral de l’Union des fédéralistes européens, considérant :

  • Que la lutte contre le changement climatique nécessite une action urgente aux niveaux européen et mondial ;
  • Les résultats alarmants du rapport spécial du GIEC sur le réchauffement climatique de 1.5°C, publié en 2018 ;
  • Que la prise de conscience des citoyens et des acteurs économiques crée des circonstances favorables à des actions de grande envergue au niveau européen ;
  • Les engagements pris par l’UE et ses États membres au titre de l’accord de Paris dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique et la nécessité de décisions politiques et d’investissements de grande envergue pour leur mise en œuvre ;
  • Les engagements pris par l’UE dans le cadre des objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD) qui sont un „plan d’action mondial pour les peuples, la planète et la prospérité“ en s’engageant à „ne laisser personne de côté“(qui est au cœur du Programme 2030) ;
  • L’importance d’un suivi concret des propositions soumises par le document de réflexion de la Commission Européenne "Vers une Europe durable à l‘horizon 2030" publié en janvier 2019 ;
  • Que la lutte contre le changement climatique est un défi complexe qui nécessite des actions de grande envergure et des ressources très importantes aux niveaux européen et national pour assurer la transition de l’économie européenne, notamment dans le domaine de la production d’énergie et des modes de transport, vers un modèle économique et social plus durable.
  • Que le changement climatique figure au premier rang des priorités de la nouvelle Commission européenne et que des propositions pour un New Deal vert qui devraient être présentées dans les prochains mois ;
  • Que ces propositions doivent être ambitieuses et de grande portée pour être à la hauteur des défis et des attentes des citoyens européens ,des acteurs économiques et sociaux, dans le plein respect des engagements pris afin de responsabiliser les citoyens et leur garantir inclusion et égalité ;
  • L’Union européenne ne dispose cependant pas de toutes les compétences et ressources nécessaires pour lutter contre le changement climatique au niveau européen. De plus le système de gouvernance actuel de l’UE entrave l’action dans le domaine le plus sensible ;
  • Que seule une Europe souveraine peut mobiliser assez de ressources pour un renouveau radical de l‘économie et de la société européenne grâce à des politiques innovantes et des investissements verts et jouer un rôle important en tant que modèle et puissance politique, pour garantir que les pays du reste du monde respectent leurs engagements et prennent des mesures plus radicales contre le changement climatique ;
  • Que la refondation de l’Union européenne vers une entité démocratique et souveraine et son engagement efficace contre le changement climatique et la mise en œuvre des ODD doivent aller de pair ;
  • Que la Cour des comptes européenne a estimé que, pour atteindre l‘objectif climatique et énergétique de l’UE à l’horizon 2030 , 1 115 milliards d’euros d’investissements seront nécessaires chaque année au cours des années 2020-2030, principalement dans le secteur des transports, du résidentiel et des services, .Ceci n‘est réaliste que s’il y a une mobilisation massive et une réorientation des investissements publics et privés vers la lutte contre le changement climatique dans le cadre d’une stratégie et d’un plan d’action européens ;
  • Que la lutte contre le changement climatique ne doit pas être perçue comme une charge pour l’économie européenne et celle des citoyens mais plutôt comme un investissement dans l’avenir et une opportunité de transition vers un modèle économique et social plus durable créant des emplois dans de nouveaux domaines, développant de technologies qui créent des conditions de vie plus saines , préservant les ressources naturelles et assurant un avenir à de nombreuses zones côtières confrontées à un risque de disparition ;
  • Que des mesures sociales au niveau approprié (y compris au niveau européen), la réduction des inégalités et de la discrimination, la promotion de la justice sociale et de la prospérité sont nécessaires pour garantir que les coûts de la transition soient équitablement répartis et que les entreprises et les secteurs de la société les plus affectés par cette transition économique bénéficient d’un soutien adéquat ;
  • Qu’un nouveau pacte européen contre le changement climatique peut être le nouveau projet pour une refondation de l’Europe. Il peut jouer le même rôle que celui joué par la Communauté du Charbon et de l’Acier à la fin du siècle dernier, vers une Europe souveraine et fédérale, gagnant le cœur et l’esprit de nombreux jeunes citoyens européens pour le projet européen ;
  • Qu’un nouveau plan d’action européen est nécessaire pour garantir une stratégie globale et cohérente de mise en œuvre des ODD ;

1. Soumet les propositions de politiques suivantes à intégrer dans le nouveau programme de la Commission européenne pour les 5 prochaines années et en particulier dans le package pour un New Deal Vert européen :

Objectifs

  • L’Union européenne doit adopter et mettre en œuvre un plan fiable, avec des engagements contraignants, pour réduire drastiquement les émissions de CO2 dès que possible – progressant vers son objectif actuel de devenir « neutre en carbone » seulement en 2050 - et doit créer les conditions sociales et économiques pour rendre ce plan possible ;
  • L’Union européenne devrait élaborer en 2020 un plan d’action de l’UE pour la mise en œuvre des ODD basé sur des plans d’action nationaux (et régionaux) existants ;

Imposition

  • Les États membres devraient être tenus de supprimer progressivement les subventions aux combustibles fossiles dans un délai convenu compatible avec les objectifs de l’UE en matière d’émissions de CO2, évitant ainsi les distorsions du marché et libérant des revenus pour d’autres mesures de lutte contre le changement climatique, tout en assurant une compensation adéquate des coûts sociaux de ces mesures sous d’autres formes telles que la baisse de la fiscalité du travail et la réduction de la fiscalité sur les bas revenus ;
  • La taxation de combustibles fossiles dans les secteurs actuellement exemptés, tels que le transport aérien et maritime, devrait être envisagée et appliquée de manière uniforme dans tous les États membres ;
  • La fiscalité sur le transport de marchandises et de personnes devrait être uniforme au niveau européen pour éviter toute distorsion du marché ;
  • La fiscalité sur les émissions de CO2 devrait être harmonisée aux mêmes niveaux dans tous les États membres de l’UE et étendue à toutes les activités productrices de CO2, ceci afin d’établir un « prix plancher » cohérent en Europe, complétant ainsi le système existant ;
  • Une taxe européenne sur le CO2 provenant du carburant utilisé pour les vols internationaux et les transports maritimes et fluviaux transfrontaliers devrait être introduite comme une ressource propre l’UE [1] ;.
  • Obliger les États membres à déplacer la fiscalité du travail vers les émissions de carbone, tant pour les entreprises que pour les particuliers (spécialement dans les domaines du transport individuel et de la consommation domestique) ;
  • Une taxe frontalière sur le CO2 devrait être introduite en tant que ressource propre de l’UE pour les marchandises importées à partir de pays-tiers ceci afin de garantir que ces marchandises aient un coût en CO2 équivalent à celui des marchandises produites dans l’UE ;

Échange de droits d’émission de carbone

  • Le système de plafonnement et d’échange de quota d’émission de l’U.E. (SEQE) devrait être modifié, notamment
    • (a) son extension à toutes les opérations de fabrication en incluant les petites et moyennes entreprises ;
    • (b) son extension aux secteurs actuellement exemptés tels que l’aviation et la navigation ;
    • c) la diminution du stock de quotas d’émission actuel afin de l’orienter vers les seuils visés pour la conformité future ;
    • d) l’abolition du système d’allocation gratuite ;
    • (e) l’annulation des quotas d’émission émis pour des actifs mis hors service ;

Infrastructures

  • L’utilisation des fonds de l’UE devrait être soumise à un impact sur le changement climatique sur la base duquel
    • a) Les fonds destinés aux infrastructures de transport ayant un impact négatif sur le changement climatique devraient être supprimés,
    • b) les investissements dans l’infrastructure et les technologies nécessaires à une transition environnementale devraient être priorisées ;
  • Les investissements dans les infrastructures nécessaires à la lutte contre le réchauffement climatique devraient être exemptés des règles de déficit du Pacte de Croissance et de Stabilité ;

Financement

  • Un fonds européen devrait être créé pour soutenir les mesures prises par les États membres visant à éliminer progressivement les combustibles fossiles et à faire face aux coûts économiques et sociaux de la fermeture des actifs abandonnés ;
  • Une évaluation de l’impact sur le changement climatique devrait être introduite pour tout investissement de la Banque Européenne d’Investissement, pénalisant les projets ayant un impact négatif sur le changement climatique et priorisant ceux ayant un impact positif ;
  • La banque européenne d’investissement devrait mettre en place un fonds/programme dédié afin de soutenir les investissements ayant un impact positif sur le changement climatique ;
  • L’UE devrait augmenter les emprunts obligataires destinés aux projets dans les investissements verts ;
  • Afin de verdir le futur cadre financier pluriannuel de l’UE, tous les projets financés par l’Union européenne doivent respecter les objectifs climatiques de l’Union ;

Suivi

  • La révision du règlement de l’UE sur les rapports non financiers devrait être finalisée en 2020 (sur la base des résultats de l’évaluation existante), afin d’étendre leur champ d’application aux nouvelles dispositions nécessaires à améliorer la transparence, la responsabilisation et mieux répondre aux défis mondiaux ;
  • La réglementation financière de l’UE sur les marchés des capitaux devrait exiger des informations sur la conformité des entreprises aux objectifs du développement durable ;
  • Une agence de notation du développement durable devrait être créée, dédiée à l’évaluation de la conformité des entreprises aux objectifs de développement durable ;

Accords commerciaux

  • La politique commerciale de l’UE devrait décourager le commerce d’énergies contraire à ses objectifs de développement durable ;
  • Les accords commerciaux de l’UE devraient renforcer le chapitre sur le développement durable, y compris de nouveaux engagements concrets et mesurables concernant les normes en matière de changement climatique et développer un solide dispositif de mise en œuvre ;
  • l’UE devrait promouvoir les objectifs de développement durable et de neutralité climatique de la Banque mondiale ;

Politiques Agricoles et Forestières Communes

  • La politique agricole commune doit tenir compte du fait que le secteur agricole jouera un rôle crucial pour parvenir à une économie européenne de neutralité climatique ;
  • Le budget de l’UE devrait soutenir les investissements et les projets pour le développement de nouvelles technologies permettant une transition verte rapide, compétitive et équitable dans le secteur agricole ;
  • Des objectifs contraignants devraient être fixés afin de réduire la production, le transport et l’utilisation des engrais minéraux qui émettent du CO2 ou autres gaz toxiques ;
  • à court terme, des actions pilotes liées à la lutte contre la déforestation et à la promotion du développement durable devraient être développées avec certains pays tiers sélectionnés ;

2. Soumet les propositions de gouvernance suivantes à mettre en œuvre dès que possible par des décisions des institutions compétentes de l‘UE

  • La mise en œuvre par les États membres des règlements et mesures européens dans le domaine du
  • du changement climatique doit être une priorité. Cette mise en œuvre devrait être correctement contrôlée, signalée et appliquée par la Commission européenne, contre les récentes tendances ;
  • Le cycle du „ Semestre Européen“ devrait inclure des rapports et un suivi des objectifs de développement durable, des recommandations faites aux États membres et des mécanismes d’application associés ;
  • Les financements de l’UE devraient être conditionnés à la mise en œuvre par les États membres de mesures contre le changement climatique et d’actions promouvant le développement durable ;
  • Le système de comitologie devrait continuer à être réformé pour : a)garantir que le Parlement Européen ait le dernier mot sur les décisions techniques qui impactent significativement les réglementations du changement climatique ; b) que les décisions et les votes soient rendus publics et puissent être analysés ;
  • Davantage de ressources devraient être mises à la disposition du Parlement Européen afin de renforcer ses capacités de recherches indépendantes dans le cadre de ses activités législatives garantissant ainsi aux députés une vision plus indépendante et ne se basant plus uniquement sur les apports du secteur industriel ;
  • Les pouvoirs de réglementation et de surveillance affectant le changement climatique actuellement du ressort d’agences nationales devraient être transférés à des agences européennes dotées de pouvoirs exécutifs appropriés ;
  • des mesures doivent être prises pour promouvoir (ou construire) un marché européen de l’énergie ;
  • les actions de l’Europe contre le changement climatique devraient figurer en bonne place dans les politiques qui seront discutées lors de la prochaine « Conférence sur l’avenir de l’Europe ».

3. Soumet les propositions de gouvernance suivantes à intégrer dans les nouvelles réformes des traités de l’UE :

  • Les objectifs climatiques devraient être « constitutionnalisés » comme l’un des objectifs de l’UE ;
  • Alors que les États membres devraient conserver le droit de décider de leur bouquet énergétique, l’UE devrait être habilitée à fixer des limites au pouvoir discrétionnaire des États membres dans ce domaine et à définir des politiques à l’échelle européenne dans tous les domaines nécessaires au développement durable ;
  • Le vote à majorité qualifiée devrait remplacer celui à l’unanimité dans la fiscalité des questions énergétiques mais d’une manière qui n’oblige pas les États membres à adopter des mesures régressives pour le changement climatique ;
  • La co-décision du Parlement européen devrait être introduite dans le domaine de la fiscalité en matière d’énergie ;
  • L’UE devrait avoir sa souveraineté fiscale (sa propre capacité à « taxer et dépenser ») pour pouvoir mobiliser et utiliser les ressources financières nécessaires à la transition de l’économie et de la société européennes vers ses objectifs de neutralité climatique.

Rome, 23-24 novembre 2019

P.-S.

Traduction par Françoise Hely

Notes

[1Comme porté par l’Initiative citoyenne européenne Fairosene, ECI 52019) 000009.

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