Le fédéralisme : principes et contexte Synthèse de la formation d’octobre 2021 au week-end de rentrée des Jeunes Européens - Paris

, par Chloé Fabre

Le fédéralisme : principes et contexte

L’Union des fédéralistes européens (UEF, www.uef.fr), créée en 1946 par des courants de la Résistance européenne qui souhaitaient mettre fin à la guerre en Europe et dans le monde, propose des formations et des ateliers pour faire mieux connaître le fédéralisme. Un ensemble de ressource est recensé à la fin du document.

Remue-méninges

Pour commencer, les participant-e-s ont nommé des expressions ou des organisations qui contiennent le mot « fédéral » ou « fédération » mais qui ne concerne pas l’Europe.
Parmi les réponses il y a :

  • Un bloc autour du sport et des fédérations sportives : fédération française de football, fédération mondiale de basket ball, fédération de volley ball.
  • Un bloc sur d’autres entités étatiques : République fédérale d’Allemagne, gouvernement fédéral allemand, Fédération de Russie (on y reviendra).
  • Quelques post-it mentionnent des syndicats, comme la Confédération générale du travail (CGT), la confédération française démocratique du travail (CFDT) ou la Confédération paysanne ou la FNSEA (Fédération nationale Syndicats d’Exploitants Agricoles)
    On voit que l’organisation fédérale va bien au-delà d’une organisation à caractère étatique. C’est le choix d’organisation de nombreuses associations (dont les Jeunes Européens)

Les principes du fédéralisme

Un objectif commun aux fédéralistes : c’est celui d’établir la paix. La paix est une valeur essentielle du fédéralisme et son but principal. La paix, ce n’est pas l’absence de guerre, c’est « rendre la guerre impossible » comme le dit Schumann dans sa déclaration.
Emmanuel Kant est un penseur majeur dans la genèse du fédéralisme (Projet de paix perpétuel, 1795). Il a un problème qui est l’état de guerre permanent : chacun a une idée différente et le seul moyen de gérer les conflits est la force. A l’intérieur d’un Etat, pour assurer la paix, il y a le droit qui est assuré par la justice. Au niveau international, les Etats, à l’époque de Kant, n’ont pas de recours en cas de conflit que la force. Pour Kant, il faut établir un droit au niveau international pour permettre un recours qui ne soient pas la force.

Deux Etats au niveau international règlent leur conflit par la force. Le fédéralisme veut remplacer la force par le droit : on veut utiliser le droit pour régler les conflits.
Dans ce système, il faut donc que les Etats respectent le droit : le présupposé est que les Etats fédérés doivent être des démocraties et doivent respecter l’Etat de droit.

Le fédéralisme peut également être défini comme l’anti-jacobinisme. C’est la conception du pouvoir qui est différente. Dans un Etat centralisé, on considère, historiquement, que le pouvoir vient de Dieu, qui le confie à un Roi/un Empereur/un Homme providentiel. Le pouvoir vient d’en-haut. C’est pour cela que le fédéralisme ce n’est pas la décentralisation. En France, on a décentralisé, on a donné des pouvoirs aux Régions, aux Départements, aux Communes. Mais elles n’ont pas la main sur l’impôt et donc elles n’ont pas la main sur leurs ressources. En France, les collectivités locales dépendent des dotations de l’Etat. Elles ne sont donc pas autonomes.
La conception fédéraliste considère que le pouvoir réside en chaque citoyen. C’est chacun-e qui décide de confier une partie de son pouvoir au sein d’un groupe. Il le confie suivant un périmètre précis et pour atteindre un but précis. Mais le pouvoir appartient toujours à celui qui le détient à l’origine. Dans le fédéralisme, on a une conception du pouvoir qui remonte.

Le fédéralisme vise ainsi à respecter l’autonomie des parties. C’est-à-dire que chaque membre de la fédération a une marge d’autonomie (par exemple, des compétences en propre où l’Etat fédéral ne va pas intervenir. Par exemple, en Suisse, ce sont les Communes qui ont la compétence de donner la citoyenneté suisse. En effet, ils considèrent qu’en étant au plus près des gens, elles sont les mieux à même de juger si telle ou telle personne peut devenir citoyen.
Pour mettre en œuvre la répartition des compétences, on utilise le principe de subsidiarité, on le définit selon deux critères :

  • L’efficacité : où il est plus efficace d’appliquer la compétence. En prenant ce seul critère, on va forcément centraliser au niveau supérieur, il faut ajouter un autre critère :
  • La proximité/l’autonomie : toujours appliquer la compétence au plus proche du citoyen.
    Ce principe est un principe d’équilibre. Dans chaque structure ou organisation, il va faire l’objet de négociation, de discussion pour trouver un équilibre acceptable. Et évidemment il peut évoluer en fonction des besoins. Par exemple, la santé était une compétence des Etats fédérés en Allemagne. Avec la pandémie de Covid 19, les Etats ont mis en place des mesures différentes. Ils étaient dans leur bon droit, mais du coup d’autres droits fondamentaux, comme la liberté de circulation étaient remis en cause. Dans les négociations en cours (octobre 2021) pour former un nouveau gouvernement fédéral, la question de la répartition des compétences sur la santé est posée et peut-être qu’une nouvelle répartition va être mise en place.

Le fédéralisme permet d’aborder des problèmes différents, il n’est pas là pour résoudre les mêmes problèmes : les questions de minorités, les questions d’efficacité. Le fédéralisme étant une façon de trouver des solutions à des conflits, il est mis en œuvre de manière très diverse en fonction du conflit que les entités cherchaient à résoudre au début.
Par ailleurs, les fédérations évoluent dans le temps en fonction des conflits et des enjeux en leur sein. En Inde, par exemple, quand une minorité se réveille, un nouvel Etat est créé.

Le fédéralisme : diversité d’une idée

Le fédéralisme, comme tous les mots en -isme, regroupe des courants de pensées différents. C’est un lieu de débat.
On peut retenir deux approches :

  • Il y a la pensée de Proudhon qui vient de l’anarchisme. Pour lui, l’autonomie des parties est essentielle. Suivant sa vision, on peut définir le fédéralisme comme « l’anarchie organisée » (expression de Bernard Voyenne dans histoire du fédéralisme)
  • En suivant Proudhon, d’autres penseurs ont suivi cette vision du fédéralisme et ont développé une école de pensée appelée le fédéralisme intégral
  • Et il y a le fédéralisme institutionnel. D’abord porté par Hamilton dans les Federalist papers au moment de la mise en place de la fédération américaine, il se concentre sur les solutions institutionnelles. C’est le fédéralisme dont sont historiquement proche les Jeunes Européens et l’Union des fédéralistes européens, bien qu’ils sont ouverts à toutes les formes de fédéralisme.
  • Altiero Spinelli écrit le Manifeste de Ventotene depuis l’île du même nom, en 1941. Lui et ses co-écrivains, Rossi et Colorni, s’inscrivent dans cette pensée fédéraliste institutionnelle. Ils y ajoutent un principe d’action : militer pour construire le fédéralisme européen.

Le fédéralisme dans la pensée de l’intégration européenne

Le fédéralisme fait partie d’une des tendances, d’une des modalités d’intégration de l’Europe.
On peut voir trois grands courants :
  L’intergouvernementalisme, l’Europe des Etats : plusieurs pro-Européens sont en faveur d’une intégration où les Etats continuent de jouer un rôle central. Je les appelle pro-Européens parce qu’ils veulent bien d’une coordination européenne et qu’ils sont ainsi différents des anti-européens. En gros, les Etats se coordonnent sur des sujets qui les intéressent, mais leur engagement ne sont pas contraignant juridiquement. Ils sont en fait partisans de l’Europe des Congrès, comme au 19ème siècle avec les Congrès de Vienne.
  Le fonctionnalisme, ou la méthode des petits pas : c’est la majeure partie des pro-Européens, ils veulent tous arriver à une « Europe plus intégrée » mais pas trop vite. Depuis le début de l’intégration européenne, on a suivi cette méthode en suivant le plan de Monnet et Schuman. On dit fonctionnaliste parce qu’on fait une intégration sectorielle : d’abord le charbon et l’acier, puis on se rend compte qu’en faisant ça, on a besoin d’une union douanière, mais pour obtenir l’accord des Français, il faut faire une politique agricole commune, et à force d’avoir des variations dans les monnaies, on est complètement inéquitable dans les subventions qu’on verse aux agriculteurs donc il nous faut une monnaie commune. Chaque petit pas entraine le suivant et un jour on arrivera à « une Europe plus intégrée ». Beaucoup des tenants du fonctionnalisme disent qu’ils souhaitent le fédéralisme, mais pas tout de suite parce que c’est compliqué. Et avec eux, ça fait 70 ans que c’est compliqué.
  Le fédéralisme : c’est les révolutionnaires de l’intégration européenne. Ils auraient voulu dès 1945 faire une Europe unie et supprimer les Etats-nations. Ils ont milité pour l’élection du Parlement au suffrage universel direct (acquis en 1979) et pour une monnaie unique (traité de Maastricht, 1993). Ils pensent qu’il faut faire une constitution ou en tout cas établir des institutions fédérales pour permettre ensuite, en leur sein, de définir les politiques à mettre en œuvre.

Le fédéralisme au-delà du fédéralisme européen

Le fédéralisme n’a pas été uniquement appliqué à l’intégration européenne. Bien avant que l’idée d’Europe unie naisse, la Suisse, les Etats-Unis étaient déjà des organisations fédérales.
Et il n’y a pas qu’en Europe qu’on parle de fédéralisme. En Amérique Latine, il y a la liberté de circulation, ça bénéficie surtout aux traficants qui tuent et maltraitent. Sauf qu’une fois qu’ils sont passés dans un autre Etat, impossible de les poursuivre pour les crimes qu’ils ont commis. Des fédéralistes, en Amérique latine, se mobilisent pour établir une Cour Pénale Latino-Américaine et des Caraïbes (COPLA) afin de permettre les auteurs de crimes dans toutes le continent sud-américain.

Synthèse collective

L’ensemble des participants ont pris des notes pour retenir les idées majeures et ce qui les a le plus surpris …
Ce qui les a surpris, c’est l’histoire d’Altiero Spinelli et du manifeste de Ventotene, écrit sur du papier à cigarette et roulé dans un poulet, que Ursula Hirschman, son épouse tape et envoie à Londres où il sera publié. Ceci n’est probablement qu’une légende (pour le papier à cigarette et le poulet).

Voilà le fruit de leur synthèse :

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